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Absence du mémoire technique et valeur technique Région REUNION

CE, 4 mars 2011, n° 344197, Région REUNION

Conseil d’État

N° 344197

ECLI:FR:CESSR:2011:344197.20110304

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

7ème et 2ème sous-sections réunies

M. Nicolas Polge, rapporteur

SCP DEFRENOIS, LEVIS, avocat(s)

lecture du vendredi 4 mars 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 19 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la REGION REUNION, représentée par le président du conseil régional ; la REGION REUNION demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1000936 du 20 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société FMC Antilles, annulé la procédure de passation du marché d’entretien ménager du campus de l’Océan indien conduite par la REGION REUNION et enjoint à celle-ci, si elle persiste dans son intention de conclure un marché ayant le même objet, de relancer une procédure d’appel d’offres ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la requête de la société FMC Antilles ;

3°) de mettre à la charge de la société FMC Antilles le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la REGION REUNION,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la REGION REUNION ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article 52 du code des marchés publics, applicable à la sélection des candidatures : “ Avant de procéder à l’examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. (...) Il en informe les autres candidats qui ont la possibilité de compléter leur candidature dans le même délai. “ ; qu’aux termes du troisième alinéa : “ Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence (...). Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. “ ; qu’aux termes de l’article 53, qui régit l’attribution du marché : “ I.- Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...). / III.- Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) “ ; qu’aux termes de l’article 59, applicable en cas d’appel d’offres ouvert : “ I. Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. (...) III.- Lorsque aucune candidature ou aucune offre n’a été remise ou lorsqu’il n’a été proposé que des offres inappropriées (...) ou des offres irrégulières ou inacceptables au sens du 1° du I de l’article 35, l’appel d’offres est déclaré sans suite ou infructueux (...) “ ; qu’aux termes de la deuxième phrase du 1° du I de l’article 35 : “ Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. “ ;

Considérant que les dispositions citées ci-dessus distinguent la phase de sélection des candidatures à un marché public, au cours de laquelle elles permettent au pouvoir adjudicateur, avant l’examen des candidatures, et dans les conditions fixées au I de l’article 52 du code des marchés publics, de demander aux candidats de compléter leur dossier de candidature, de la phase d’attribution du marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, après élimination, notamment, en application du III de l’article 53, des offres que leur teneur, incomplète, rend irrégulières ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion que par une lettre du 30 juillet 2010 la société assistant la REGION REUNION dans la conduite de la procédure d’attribution, à la suite d’un appel d’offres ouvert, du marché d’entretien ménager du campus de l’Océan indien, a indiqué à la société FMC Antilles, candidate aux trois lots du marché, d’une part, que sa candidature était complète, et, d’autre part, qu’une autre entreprise ayant été sollicitée pour compléter son dossier de candidature, il lui était également possible de compléter le sien, conformément aux dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics ; que par une lettre du 16 septembre 2010, le président du conseil régional de la Réunion a informé la société FMC Antilles du rejet de ses offres pour les trois lots du marché, au motif de leur caractère incomplet et, par suite, irrégulier au regard des dispositions du 1° du I de l’article 35 du code des marchés publics ; qu’en déduisant des seuls termes de ces courriers que la REGION REUNION avait invité d’autres entreprises que la société FMC Antilles à compléter leur offre, après avoir indiqué à celle-ci que la sienne était complète et sans lui demander, avant d’éliminer son offre, de donner des précisions complémentaires, alors qu’il résulte de cette pièce qu’elle ne se rapportait qu’à la vérification des candidatures conformément aux dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics et non à l’examen des offres dans les conditions prévues aux articles 53 et 59 du même code, le juge des référés du tribunal administratif, qui n’a ainsi distingué ni entre le contenu du dossier de candidature et la teneur de l’offre, ni entre la phase de sélection des candidatures et celle de jugement des offres, a commis une erreur de droit ; que la REGION REUNION est par suite fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander pour ce motif l’annulation de son ordonnance ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics, citées plus haut, qui régissent la sélection des candidatures, si elles permettent au pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes de demander à tous les candidats concernés, avant l’examen des candidatures, dans les conditions fixées à cet article, de compléter leur dossier de candidature, ainsi qu’il a été dit plus haut, elles ne l’autorisent pas à leur demander de compléter la teneur de leur offre ;

Considérant , également, qu’il ressort de la lettre du 30 juillet 2010 que le dossier de candidature présenté par la société FMC Antilles a été regardé, avant l’examen des candidatures, comme complet ; que la lettre du 16 septembre 2010 motive l’élimination de l’offre de la société FMC Antilles, après examen des offres, non par le caractère incomplet du dossier de candidature, mais par le caractère incomplet, et donc irrégulier, de cette offre, en raison de “ l’absence du mémoire technique nécessaire au jugement de la valeur technique de l’offre “, requis par les dispositions du 2° du IV et du 2° du V du règlement de consultation pour permettre au pouvoir adjudicateur d’apprécier la valeur technique de l’offre conformément aux critères indiqués dans les documents de la consultation ; que, par suite, la société FMC Antilles, qui ne conteste pas l’appréciation portée sur le caractère complet de son dossier de candidature, ni, d’ailleurs, l’appréciation portée sur la régularité de son offre, ne peut utilement soutenir que la REGION REUNION aurait méconnu, dans la mise en oeuvre des dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics, le principe d’égalité de traitement des candidats en éliminant son offre au stade du jugement des offres alors qu’avant l’examen des candidatures elle ne l’avait pas invitée, sur le fondement de ces dispositions, à compléter son dossier ainsi qu’elle l’avait fait à l’égard d’un autre candidat ;

Considérant que la demande de la société FMC Antilles tendant à l’annulation des décisions de la REGION REUNION relatives à la passation du marché d’entretien ménager du campus de l’Océan indien doit dès lors être rejetée, de même que sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la région de lancer un nouvel appel d’offres ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la REGION REUNION qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demandait la société FMC Antilles devant le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société FMC Antilles le versement à la REGION REUNION de la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci tant en première instance qu’en cassation, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion du 20 octobre 2010 est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par la société FMC Antilles au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion sont rejetées.

Article 3 : La société FMC Antilles versera la somme de 4 500 euros à la REGION REUNION au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la REGION REUNION et à la société FMC Antilles.

Jurisprudence

CAA Marseille, 8 juillet 2013, n° 11MA00232, Société Sitex. Exécution financière du contrat et non-respect des dispositions visées dans le mémoire technique. Non-paiement de prestations qui n'apparaissent pas dans le bordereau des prix unitaires.

CAA Paris, 3 juillet 2013, n° 11PA05239, SA Zub. Un mémoire technique ne peut être contractuel que s’il a été prévu comme tel dans les pièces du marché. Dans le cas d’espèce le mémoire technique ne peut être regardé comme constituant un élément de l'acte d'engagement susceptible d'avoir une valeur prioritaire par rapport au cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et au cahier des clauses techniques particulières (CCTP)

CAA Nancy, 10 juin 2013, n° 11NC01257, Sté Aquatrium / INPL (Chances de remporter le marché et indemnisation du candidat irrégulièrement évincé. Évaluation et réparation du préjudice avec calcul de la marge bénéficiaire. Détermination du montant du manque à gagner et du préjudice correspondant à la perte du bénéfice net afférent au marché. Le bénéfice net s’entend de la différence entre les produits et les charges d’exploitation engagées sur la même période. Incidence du mémoire technique justificatif)

CAA Marseille, 8 avril 2013, n° 10MA03545, cabinet MPC Avocats (Appréciation de la valeur technique de l'offre et analyse du contenu du rapport d’analyse des offres et de la note méthodologique. Règles d’indemnisation et réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat. Autorité adjudicatrice qui n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation de la valeur technique de l'offre)

CAA Lyon, 4 avril 2013, n° 12LY01253, Sté Intracom (Dans un MAPA le pouvoir adjudicateur dont l’AAPC prévoit des dispositions de choix des offres intégrant une audition doit respecter ses propres règles en organisant notamment l’audition des entreprises sélectionnées. Ainsi un pouvoir adjudicateur qui prévoit que des fournisseurs sélectionnés seraient auditionnés et que l’offre économiquement la plus avantageuse serait choisie en fonction de la valeur technique, au vu du mémoire technique et des éléments de l’audition, et des prix de prestations a l’obligation d’organiser une audition. A défaut le pouvoir adjudicateur méconnait ses obligations de mise en concurrence).

CAA Nantes, 28 mars 2013, n° 11NT03159, SAS Guèble (Si une spécification technique particulière est imposée par la personne publique le juge doit rechercher si elle est justifiée par l’objet du marché et si elle a ou non pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques. Si l’offre doit comporter un mémoire justificatif et que la société, ne fournit pas l’ensemble des justificatifs exigés pour permettre d’apprécier la valeur technique de l'offre, l’entreprise n’est pas fondée à soutenir que le choix du titulaire aurait été fait sur la base d’un critère non prévu au règlement de la consultation).

CAA Lyon, 29 novembre 2012, n° 12LY00574, Sté Hectronic France (Pour présenter une variante, l’opérateur économique doit respecter les dispositions du règlement de la consultation notamment en matière de présentation de la variante. Il en est ainsi lorsque le règlement de la consultation exige une présentation distincte pour l'acte d'engagement, le mémoire justificatif, l’offre de prix sur document libre, et la fiche technique du matériel proposé par la variante. Ainsi lorsqu’une variante est irrégulièrement présentée, la commission d'appel d'offres est tenue, en vertu des dispositions de l’article 50 du Code des marchés publics, de l'écarter sans l'examiner).

CAA Douai, 16 novembre 2012, n° 11DA01162, LILLE METROPOLE HABITAT (Dès lors qu’un élément permet d’apprécier la qualité du mémoire technique des entreprises, il doit s’analyser comme un sous-critère et non comme une simple méthode de notation. Si cet élément est susceptible d’exercer une influence sur la présentation et la sélection des offres par les candidats le pouvoir adjudicateur doit le mentionner dans les documents de consultation. En cas de chances sérieuses d’emporter le marché, l’entreprise a droit à une indemnisation de son manque à gagner calculé sur le montant total du marché (dans le cas d’espèce), intégrant la tranche ferme et la tranche conditionnelle) 

Conseil d’État, 2 août 2011, n° 348711, SIVOA - Mentionné dans les tables du recueil Lebon (Pour l'appréciation des critères de sélection des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres. En procédant à une simulation nécessaire à l’appréciation du critère du prix eu égard à la coexistence de prix forfaitaires et de prix unitaires, le pouvoir adjudicateur met en oeuvre une simple méthode de notation destinée à évaluer ce critère, sans modifier ses attentes définies dans le règlement de la consultation par les critères de sélection et donc sans poser un sous-critère assimilable à un critère distinct)

Conseil d’État, 23 mai 2011, n° 339406, Commune d'Ajaccio - Mentionné au tables du recueil Lebon (Pour l'appréciation des critères de jugement des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres)

Conseil d’État, 18 juin 2010, n° 337377, Commune de Saint Pal de Mons, Publié au recueil Lebon (Si le pouvoir adjudicateur décide de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter ces dernières informations à la connaissance des lors que ces sous-critères doivent être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection des offres)

Conseil d’État, 31 mars 2010, n° 334279, Collectivité Territoriale de Corse, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (Si le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres)

CE, 4 mars 2011, n° 344197, Région REUNION, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (Offre irrégulière suite à l'absence du mémoire technique nécessaire au jugement de la valeur technique de l’offre exigé par le règlement de consultation)

CAA Marseille, 1 mars 2010, N° 08MA00442, Société Azur rénovation décoration bâtiment (L’écart important entre les notes attribuées à des offres par la comparaison de notices techniques entrant dans la valeur technique de l'offre doit être justifié. erreur manifeste d’appréciation de la valeur technique de l'offre).

CE, 8 février 2010, n° 314075, Commune de la Rochelle, Publié au recueil Lebon (Un mémoire technique doit être spécifique et non pas généraliste ou stéréotypé (Préjudice dédommagé à l'entreprise évincée : 150.000 euros). Mémoire technique généraliste présenté par l'attributaire alors que celui de l'entreprise éliminée comportait des dispositions précises et non stéréotypées. L’analyse des offres techniques par la note technique fournie par le soumissionnaire ne respectait pas les critères d’attribution. Le choix de l'offre ne peut se fonder sur les références des entreprises candidates, mais exclusivement sur la valeur intrinsèque de l'offre. Contrôle de l'erreur manifeste d’appréciation de la valeur technique de l'offre).

QE au sénat ou à l'assemblée nationale

QE Sénat, n° 13896, 23/09/2010, M. Jean Louis Masson - Marchés de prestations intellectuelles - Les mémoires techniques et les notes méthodologiques des candidats retenus ne peuvent pas être communiqués aux candidats évincés. Les mémoires techniques ne sont pas communicables, car ils contiennent des informations couvertes par le secret en matière industrielle et commerciale, telles des mentions relatives aux moyens humains et techniques de l'entreprise considérée, ainsi que son organisation et les procédures utilisées. Les notes méthodologiques peuvent être assimilées au mémoire technique selon la CADA.